C’EST QUOI, ÊTRE MIS AU PLACARD

(Traduit de l’anglais)

Avant-propos, si l’expression courante « sortir du placard » est bien l’équivalent de l’expression anglaise « coming out » l’expression « mettre au placard », qui pourrait être la traduction de « closeting », s’emploie pour sa part habituellement en français dans le domaine professionnel et sert à traduire une situation de mise à l’écart d’un employé placardisé. Il n’est pas évident d’employer ce terme sans préciser ici qu’il s’agit bien d’une placardisation basée sur la personne, son orientation sexuelle, son genre etc. et non sur l’absence de missions professionnelles stimulantes)

Tout le monde connait l’expression «sortir du placard» qui, à l’origine, faisait référence à quelqu’un déclarant son orientation sexuelle comme gay ou lesbienne. Cependant, les temps ont changé et faire son « coming out » signifie désormais l’annonce volontaire et publique d’une personne s’identifiant comme LGBTQ+.

Accepter votre identité peut être déjà assez difficile sans la complication supplémentaire d’avoir à déterminer votre identité de genre ou votre sexualité. Les personnes qui souhaitent découvrir et explorer leur sexualité peuvent trouver ça extrêmement intimidant et ne pas se sentir suffisamment à l’aise pour le faire. Au vu de toute la discrimination qui existe, il n’est pas étonnant que certaines personnes choisissent de ne jamais faire leur coming out selon leurs propres conditions. Cependant, le fait qu’ils le fassent ou non est généralement considéré comme un choix personnel propre à chaque individu.

Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles quelqu’un peut renoncer à faire son coming-out – comme les pressions familiales ou le rejet de ses pairs – mais il y a des cas, généralement avec des célébrités et des personnes en vue, où la personne n’est en fait pas autorisée à reconnaître publiquement sa vraie identité. C’est ce qu’on appelle la placardisation (« Closeting ».en anglais)

Dans le cas de l’industrie musicale, il existe de nombreux cas où des personnalités ont été contraintes par contrat d’être publiquement considérées comme étant dans une relation hétérosexuelle. Ces contrats, lorsqu’ils sont examinés de près, contiennent de nombreuses clauses cachées qui donnent à l’industrie musicale un pouvoir sur presque tous les aspects de l’image des artistes. Cela signifie que l’artiste peut avoir peu ou pas du tout son mot à dire sur sa musique, son image, ce qu’il dit dans les interviews, ou même s’il veut publier une photo ou un tweet, sans être d’abord obligé de vérifier avec son management qu’il est en droit de le faire.

Dans le passé, les célébrités gays étaient impliquées dans des « lavander marriages » – un mariage hétéro servant à dissimuler l’identité gay de quelqu’un – qui permettaient de garder les personnalités gays fermement enfermées dans le placard. Elton John en est un exemple flagrant. Enorme icône gay s’il en est, il a pourtant d’abord été imbriqué dans un mariage hétéro au début de sa carrière. De nos jours, il est plus probable que l’on vous attribue une « beard » (barbe en français) – une relation hétérosexuelle à long terme – pour maintenir l’image hétéro de la célébrité. Ces relations impliquent des apparitions mises en scène et des « stunts » (relations simulées) qui ont pour objectif de garder leur relation hétérosexuelle aux yeux du public, dissipant efficacement toute rumeur LGBTQ + qui pourrait exister à leur propos.

La quantité de dégâts, d’un point de vue émotionnel et psychologique, causés par la placardisation peut être extrême, entraînant souvent chez l’artiste des troubles de santé mentale. Chely Wright, un artiste de musique country américain ouvertement gay, a déclaré dans une rubrique « Questions & réponses » en 2010 que la placardisation « tue les gens, spirituellement et physiquement ». Être amoureux, et être autorisé à montrer cette relation amoureuse, est quelque chose de primordial pour être heureux dans tout comportement humain de base. A l’inverse, se voir refuser ce droit simplement à cause de votre identité de genre ou de votre orientation sexuelle, c’est invalider ce que cette personne estime être de tout son cœur. Wright poursuit en discutant des dommages que le placard peut causer, déclarant «quand on vous refuse cette joie primaire de base que tout le monde peut avoir, ça fait mal. Et que faites-vous quand les choses font mal ? Vous devez vous soigner. »

C’est quelque chose qui est soutenu par de nombreux artistes gays. En 2016, Lance Bass (NSYNC) s’est entretenu avec Larry King dans une interview, décrivant la placardisation comme un processus «très tortueux parce que je ne voulais pas que les gens découvrent qui j’étais vraiment… Je pensais que ma vie serait finie. Les gens me détesteraient… on devient très seul.”

Aussi bouleversant et dommageable que soit le placard, Bob Lefsetz, un critique de l’industrie musicale, a déclaré dans une interview en 2014 que le placard ne changera probablement pas de sitôt, car l’industrie est avant tout axée sur le profit. Il déclare que le management se soucie beaucoup moins des besoins des artistes que de leur « résultat », précisant que « si cet artiste risque de ne pas attirer autant de fans parce qu’il est gay, ils ne le soutiendront pas autant ».

Cependant, Chely Wright pense que cela peut changer et que les artistes finiront par devenir eux-mêmes, déclarant: «Nous avons besoin d’une énorme, énorme star au sommet de son art… pour se lever et dire ‘Je suis gay et moi’ Je suis normal…’ » Si cela devait se produire dans chaque domaine de célébrité – musiciens, stars de cinéma, athlètes, etc. alors la placardisation s’éteindrait, permettant à ceux qui sous l’œil du public d’être libres d’être eux-mêmes.

Prochain numéro : Mark Feehily et son expérience de mise au placard et l’industrie de la musique.

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Sources(en anglais)